Les séropositifs algériens seront les seuls en Afrique à ne pas bénéficier des traitements de nouvelle génération ?

Les participants à la Conférence internationales sur le sida et les infections sexuellement transmissibles ICASA2017 qui se tient à Abidjan organisent une action de solidarité avec l’Algérie et demandent aux autorités sanitaires de réagir.

Les traitements du VIH se sont largement améliorés ces dernières années avec l’arrivée de nouvelles molécules plus efficaces, moins toxiques, avec moins de risque de résistance. Ces traitements seront disponibles dès 2018 partout en Afrique à un prix abordable sauf en Algérie. Ainsi en a décidé le laboratoire ViiV (filiale du groupe Glaxosmithkline) producteur du Dolutegravir (première molécule en lice de ces nouvelles thérapies) qui a décidé de céder ses droits de brevets sur tout le continent sauf l’Algérie où il détient ses droits de brevets jusqu’en 2026. Les associations de lutte contre le sida présentes à la conférence ICASA2017 ont protesté devant le stand de ViiV et demandent à l’Etat Algérien d’agir en émettant une licence d’office.

Aujourd’hui, à la conférence ICASA 2017, les acteurs de lutte contre le sida de toute l’Afrique et du monde entier ont organisé une action de solidarité avec l’Algérie en protestant sur le site de la conférence compte tenu de l’absence de la firme pharmaceutique ViiV. Cette manifestation avait pour but de dénoncer l’exclusion de ce pays désormais seul à ne pas pouvoir bénéficier du Dolutegravir à un prix abordable.

Selon Alia Amimi, chargée de plaidoyer à ITPC-MENA « L’une des annonces majeures de cette conférence c’est l’arrivée d’une nouvelle génération de traitements contre le VIH dites thérapies optimales C’est le cas du dolutegravir, antirétroviral extrêmement intéressant qui présente une barrière élevée au développement de résistances, produit très peu d’effets secondaires et s’est montré très efficace pour aboutir au contrôle virologique. Le dolutegravir est recommandé par l’OMS comme option de première et 3ème ligne. L’Afrique entière est entrain de se préparer à mettre le médicament à la disposition de ses malades sauf l’Algérie à cause du prix exorbitant exigé par le laboratoire ».

En effet, dans son programme d’accès pour les pays à ressources limitées, le laboratoire a cédé à ses droits de propriété intellectuelle dans le cadre d’une licence volontaire autorisant le recours à des versions génériques du médicament à un prix très abordable à l’ensemble des pays d’Afrique à l’exception de l’Algérie. Des versions génériques sont attendues en 2018 à un prix abordable (42$ par patient et par an) en comparaison avec le prix pratiqué dans les pays développés (14.000$ par patient et par an).

Etant exclue de cette licence, l’Algérie ne pourra bénéficier de ces génériques tant que la molécule est protégée par un brevet d’invention courant jusqu’en 2026, sauf intervention de l’Etat Algérien.

« Ça fait bientôt 3 ans que les défenseurs à l’accès aux traitements se sont mobilisés pour étendre la licence volontaire de ViiV aux pays du Maghreb tous initialement exclus. Grâce à la mobilisation de la société civile, nous avons obtenu gain de cause pour certains (Maroc, Tunisie, Lybie). Malheureusement cette victoire reste incomplète puise l’Algérie reste désormais le seul pays exclus de la licence »[1], a déclaré Alim El Gaddari Directeur de ITPC-MENA en direct d’Abidjan.

Dans ces efforts pour régler ce dossier ITPC-MENA a organisé le 23 novembre 2017, un dialogue à Marrakech réunissant des représentants du laboratoire qui ont fait le déplacement spécialement de Londres et des représentants des personnes vivant avec le VIH et de la société civile de la région MENA y compris l’Algérie.

Selon Scander Soufi de l’association ANISS, basée à Annaba, qui y a participé: « Lors de la réunion de Marrakech les représentants de ViiV ont été catégoriques sur l’exclusion de l’Algérie, pourtant ils ont cédé sur la Jordanie et la Tunisie, deux pays également exclus, que le laboratoire a promis d’inclure dans la licence volontaire. Devant l’obstination du laboratoire, nous n’avons plus le choix que de nous tourner vers l’Etat Algérien qui doit désormais prendre ses responsabilités et user de son droit à émettre une licence d’office ».  

En effet, si l’Algérie dans ses lois respecte les droits de propriété intellectuelle et les brevets, la législation nationale aussi bien que les traités internationaux reconnaissent au pays le droit de suspendre la protection par les brevets afin de protéger l’intérêt général et la santé publique[2].

Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie du VIH, plusieurs pays ont eu recours au mécanisme des licences d’office pour permettre la fabrication ou l’importation d’antirétroviraux brevetés en version générique ce qui leur a permis de faire des économies conséquentes. Plus récemment, la Malaisie a émis une licence d’office sur le Sofosbuvir un médicament contre l’hépatite virale C[3]. Le ministre de la Santé des Pays Bas, pays pourtant plus riche que l’Algérie, vient également de déclarer son intention d’user du mécanisme des licences d’office pour palier au problème du coup exorbitant des certains médicaments dans son pays[4].

ANISS et ITPC MENA demandent à l’Etat algérien de faire valoir ses droits et d’agir immédiatement afin que tous les séropositifs puissent bénéficier d’un traitement efficace à un prix abordable.

Contacts Presse :

Alia Amimi, Chargée de plaidoyer et de recherche à ITPC-MENA

Email : alia.amimi@itpcmena.org

Tel : 0 6 58 70 83 13

Nacereddine Merzoug, Président de l’Association Aniss, Oran

Email : Merzoug.nacereddine@gmail.com

Tel : +213 560 052 966

[1] https://itpcmena.org/le-dolutegravir-sera-accessible-en-generique-au-maroc-une-grande-victoire-pour-itpc-mena/

[2] Ordonnance n° 03-07 relative aux brevets d’invention du 19 juillet 2003, Art. 49

[3] http://makemedicinesaffordable.org/en/malaysia-paves-the-way-for-compulsory-licensing-on-hepatitis-c-medicines/

[4] https://medicineslawandpolicy.org/2017/11/medicines-excitement-in-the-netherlands-new-health-minister-announces-firm-action-on-absurd-medicines-pricing-and-gets-the-european-medicines-agency/