Lancement d’un générique marocain du sofosbuvir: Une victoire en vue de la généralisation du traitement du VHC au Maroc
La Coalition internationale pour l’accès au traitement dans la région Afrique du Nord et Moyen Orient (ITPC-MENA) se félicite de l’annonce par le Ministère de la santé du lancement d’une version générique marocaine du sofosbuvir. Le Maroc devient ainsi le quatrième pays au monde (après l’Egypte, l’Inde et le Bangladesh) à produire son propre générique de cette molécule désormais essentielle pour le traitement l’infection par le virus de l’Hépatite C (VHC).{« C’est une grande victoire pour les associations et pour les personnes infectées par le VHC dans notre pays. Nous nous réjouissons de la réactivité du ministère de la Santé et de l’industrie pharmaceutique nationale. Pour la première fois, nos malades vont accéder à des thérapies récentes et efficaces à un prix abordable et ce à peine quelques mois après leur mise à disposition dans les pays riches»}, a déclaré Khadija El Gabsi, présidente de ITPC-MENA.
Au Maroc, selon le ministère de la santé, 625.000 personnes sont porteuses du VHC soit 1,6% de la population générale, parmi lesquelles, 267.000 personnes présentent une infection chronique active nécessitant un traitement. Jusqu’à récemment, la prise en charge de l’infection à VHC a été entravée par des traitements inadéquats et très couteux. Le traitement standard impliquait une combinaison d’interféron pégylé et de ribavirine pour une durée longue, pouvant aller jusqu’à six mois. Le suivi biologique de ce traitement est sophistiqué et couteux, les effets indésirables sont très lourds pour le patient, avec un taux de succès d’environ 55% seulement. Malgré cela, le prix reste exorbitant entre 90.000 et 120.000 DH.
L’arrivée d’une nouvelle classe de médicaments dits Agents antiviraux à action directe (AAD), inaugure une véritable révolution dans la prise en charge de l’Hépatite virale C : la durée du traitement peut être raccourcie à 12 semaines seulement, il est bien toléré et surtout un taux de réussite avoisinant les 100%. Ces AAD présentent également l’avantage d’être beaucoup moins chers à produire, même si les laboratoires qui en détiennent les brevets exigent des prix exorbitants.
En effet, la production d’une cure complète (12 semaines) de sofosbuvir revient à peine à 100 Dollar US , cependant le laboratoire Gilead propose ce traitement à 80.000$ aux Etats Unis. En septembre 2014, Gilead a manœuvré pour bloquer toute tentative des pays comme le Maroc de recourir à des versions génériques moins chères en signant une licence volontaire avec 11 principaux fabricants en Inde leur interdisant formellement de fournir la majorité des pays à revenu intermédiaire comme le notre .
{« Cette production locale du sofosbuvir, même si elle se fait sans l’accord de Gilead, est parfaitement légale aussi bien vis à vis de la législation Marocaine en matière de propriété intellectuelle que des accords internationaux signés par le Maroc à ce sujet »}, précise Othman Mellouk, Responsable des questions de propriété intellectuelle et accès aux médicaments à ITPC. {« Gilead ne dispose au Maroc d’aucun brevet bloquant sur la molécule. L’exclusion du Maroc de la licence Indienne constituait un véritable abus de monopole qui vient d’être réparé ». }
Il est cependant à rappeler que le sofosbuvir ne s’utilise pas seul et qu’il nécessite d’être combiné avec d’autres médicaments. Pour l’instant, sa disponibilité permettra de réduire la durée du traitement et d’augmenter l’efficacité des anciennes molécules (peg interferon et ribavirine). Selon Othman Mellouk : {« Le prix de 3000 DH par mois annoncé est un bon départ et se situe dans la moyenne des génériques aujourd’hui disponibles. Mais nous nous attendons à ce que ce prix baisse au fur et à mesure de la concurrence car il existe déjà des versions à moins de 2000DH . Nous aimerions également pouvoir nous passer définitivement de l’interferon pegylé, devenu aujourd’hui obsolète, et pour cela nous aurons besoin d’un autre AAD comme le daclatasvir. Avec une combinaison de ces deux molécules (sofosbuvir+daclatasvir), nous pourrons proposer un traitement sous forme orale seulement, sans effet secondaire, ne nécessitant pas d’examens biologiques sophistiqués, pour un cout réduit et une efficacité optimale ». }
ITPC-MENA se félicite de cette première initiative et lance un appel à l’industrie pharmaceutique nationale et au ministère de la Santé pour se lancer rapidement dans la production locale du daclatasvir, et ce afin de rendre la révolution thérapeutique une réalité pour les nombreux patients marocains souffrant d’infection chronique par le VHC.