Opposition aux brevets pharmaceutiques, une première au Maroc !

Le 02 Janvier 2023, ITPC MENA a déposé un procès en invalidation auprès du tribunal de commerce de Casablanca afin de contester le brevet déposé par la société pharmaceutique américaine Eli Lilly sur la molécule du “Baricitinib”.

Cette molécule, recommandée par l’OMS, est utilisée pour le traitement des cas sévères du Covid-19[1], elle est également approuvée pour d’autres indications comme la Polyarthrite rhumatoïde dont souffre une large partie de la population marocaine.

Pour rappel, une opposition au brevet est un recours par lequel toute personne intéressée peut contester la validité d’un brevet devant l’office qui l’a délivré. Au Maroc, cette procédure se base sur les articles 148.2 à 148.5 de la loi 23/13 relative à la protection de la PI modifiant et complétant la loi 17/97, et permettant à quiconque de s’opposer à l’enregistrement d’une demande de marque. Au Maroc, personne n’avait encore mené auparavant une opposition sur un brevet pharmaceutique.

Le Baricitinib est commercialisé par le laboratoire Eli Lilly sous forme de comprimés dosés à 2 mg et 4 mg. Les prix catalogue d’Eli Lilly sont respectivement de 2497 $ et 4994 $ pour une boîte de 30 comprimés[2].

Des versions génériques sont disponibles en Inde et au Bangladesh à des prix bien inférieurs à ceux pratiqués par le détenteur du brevet. Un fabricant indien a fixé le prix du Baricitinib à 5 $[3] pour une boîte de 14 comprimés, soit 500 fois moins que le prix exorbitant affiché par Eli Lilly. Parallèlement, le prix le plus bas affiché au Bangladesh est de 5,5 $[4]. D’autres pays, comme l’Égypte et l’Equateur, ont quant à eux décidé de rejeter la demande de brevet de la société.

Actuellement, aucune version générique n’est disponible au Maroc, Eli Lilly ayant demandé et obtenu un brevet sur le médicament qui est désormais sous monopole jusqu’en 2029 voir plus, grâce aux extensions de la durée des brevets.

Le mécanisme d’opposition reste très mal connu au Maroc, pourtant son usage permettrait de révoquer une série de brevets, principalement ceux accordés entre 2010 et 2015, avant l’entrée en vigueur de l’accord de validation entre l’office Marocain et l’office Européen de brevets, et dont certains sont encore valables jusqu’en 2030.

Le coût est un facteur déterminant de l’accès aux médicaments, et les brevets constituent un obstacle majeur à l’accès en créant des monopoles de marché et menaçant ainsi la souveraineté du Royaume en matière production locale de médicaments essentiels. La procédure d’opposition menée contre le laboratoire Eli Lilly n’est que la première d’une longue série. ITPC MENA continuera à s’opposer aux brevets abusifs afin de tester et challenger ce mécanisme, et nous appelons par la même occasion les organisations de la société civile ainsi que les fabricants locaux de génériques à faire de même.


[1] La dose recommandée de baricitinib chez les personnes atteintes de COVID-19 est de 4mg une fois par jour pendant 14 jours.

[2] https://www.lillypricinginfo.com/olumiant

[3] https://www.1mg.com/drugs/barinat-4-tablet-665215

[4] https://medex.com.bd/brands/33450/baricent-4mg